Articles réalisés au sujet de la République tchèque


Voici deux liens vers des articles co-ecrits et co-traduits par le narrateur au sujet de la République tchèque notamment (le texte integral suit)  :

- la Boisson gazeuse tchèque Kofola, meconnue en France.


                    Revue Regard Sur l'est, redaction avec Zuzana Loubet Del Baye :

Le Kofola, symbole de la vitalité économique tchèque 



- et des propos de Nicolas Sarkozy, le 31 Octobre 2008, publiés exclusivement par la revue tchèque Reflex.

                    Blog infos Rue 89, traduction tchèque-français avec Mirek Pospisil :

Sarkozy, les Tchèques, Merkel et les Arabes : le document intégral


Le Kofola, symbole de la vitalité économique tchèque
Dossier : "Boissons à l'Est"

Par Antoine ANDRIEU et Zuzana LOUBET DEL BAYLE
Le 01/07/2008

Le Kofola est une boisson gazeuse fabriquée à partir du sirop Kofo et d’ingrédients naturels. Il se caractérise par sa couleur marron et son goût, où l’on distingue des herbes et du caramel. Du fait de son prix peu élevé, c’est la boisson préférée des jeunes. On peut la trouver dans la plupart des bars et restaurants tchèques.



 

 
Le Kofola est commercialisé par la société éponyme, qui a dans son portefeuille une dizaine de boissons. Par son origine, c’est une boisson véritablement tchécoslovaque. Aujourd’hui, elle occupe le rang de troisième boisson non-alcoolisée[1] en République tchèque, derrière le Coca-Cola et l’eau minérale de Karlovy Vary; en Slovaquie, c’est le numéro un. Les consommateurs slovaques, manifestant une certaine forme de nostalgie, restent très attachés à ce produit.

Une boisson «communiste»

La marque Kofola a été créée à la fin des années 1950 et la première boisson a été commercialisée en 1962. Le Kofola a rapidement gagné en popularité, il a connu son premier âge d’or dans les années 1960-70. «C’était la boisson de notre jeunesse, elle était très populaire surtout parmi les étudiants. Les jeunes d’aujourd’hui boivent du Coca-Cola; nous, on avait le Kofola», se rappelle Jaroslava Deissova, étudiante à l’université de Brno à la fin des années 1960. A l’époque, le Kofola était le seul soda de type cola que l’on pouvait acheter en Tchécoslovaquie, le Coca-Cola étant alors considéré comme une «boisson capitaliste».

La Révolution de velours de 1989 a marqué une rupture dans la vie économique du pays. Avec l’ouverture des frontières, les boissons des fabricants occidentaux ont inondé le marché tchécoslovaque et le Kofola est tombé dans l’oubli pour quelques années. La fin des années 1990 marque son come-back triomphant dans les supermarchés et les bars grâce à une campagne publicitaire efficace.

La société Kofola existe réellement en tant qu’entreprise privée depuis 1993, date de l’acquisition de la société d’Etat par la famille grecque Kostas Samaras. Depuis, Kofola n’a cessé de s’étendre et de se moderniser, en élargissant sa gamme de produits et en agrandissant son marché aux quatre pays du groupe Visegrad[2]: la République tchèque, la Slovaquie, la Pologne et la Hongrie. La société a fait redessiner son logo en 2007 pour en moderniser les contours tout en conservant son aspect visuel familier aux consommateurs et ses couleurs traditionnelles.

Aujourd’hui, les sites de production sont basés en République tchèque, Slovaquie et, depuis 2005, Pologne. Les services marketing et commerciaux, anciennement basés sur le site historique de la marque à Krnov en Moravie, ont migré à Prague en 2006. La multinationale emploie au total plus de 1.000 personnes dans quatre pays et prévoit de recruter une centaine d’employés au cours des trois prochaines années.

Leader des boissons non-alcoolisées en Europe centrale

Fin janvier 2008, la société Kofola a racheté Vinea, le fabricant slovaque de boisson gazeuse à base de raisin, confortant ainsi son rôle de leader sur le marché des boissons non alcoolisées en Europe centrale. Les deux boissons présentent les particularités d’être nées pendant la période communiste, d’être confectionnées à base de produits naturels et d’avoir réussi avec succès leur transition économique. Après la fusion, la société Kofola veut s’attaquer à d’autres marchés en Europe centrale et consolider ainsi sa position face à son plus grand concurrent, Coca-Cola.

Les performances économiques de la société en font aujourd’hui un symbole de la vitalité économique tchèque. Pour l’avenir, son responsable Jannis Samaras affiche des objectifs ambitieux: «Notre but pour les cinq prochaines années est de faire partie des trois premiers producteurs en Europe centrale – en Slovaquie, Hongrie et Pologne». Parallèlement à cette percée économique, le prestige de la marque Kofola ne cesse de croître. Dans le classement «Czech Top 100», qui recense tous les ans les entreprises tchèques les plus admirées, elle occupe en 2008 la troisième place, juste après le fabricant de voitures Skoda et l’entreprise énergétique CEZ. C’est une très bonne évolution par rapport à 2007 où la société ne se trouvait qu’à la huitième place!

Une communication ciblée sur les jeunes centre-Européens

Martin Klofanda, responsable des relations publiques de Kofola, précise que le cœur de cible marketing se situe davantage sur les 18-35 ans, alors que la cible de Pepsi et Coca-Cola est plutôt centrée sur les adolescents. Les campagnes publicitaires pour le Kofola sont communes aux quatre pays de distribution, sans qu’aucune adaptation culturelle ne soit nécessaire: le Kofola se présente donc comme une boisson centre-européenne par excellence.

Le Kofola s’illustre régulièrement depuis quelques années dans le domaine de l’innovation et de la créativité publicitaire en remportant divers prix et en figurant en bonne place dans différents concours visant à récompenser les entreprises dynamiques[3]. Martin Klofanda ajoute que le budget publicitaire de Kofola reste cependant trois fois inférieur à celui de Coca-Cola. Néanmoins, la société Kofola a introduit en 2008 sur le marché une version «sans sucre» («bez cukru») pour faire face à la version «Zero» de son concurrent américain.

La marque développe également des activités de sponsoring, en s’associant notamment à la Fédération tchèque d’athlétisme et à de nombreux événements musicaux et artistiques. La société Kofola était par exemple partenaire officiel du 17e festival de musique et de théâtre Mezi Ploty[4] qui s’est tenu à Prague du 31 mai au 1er Juin 2008.

Le Kofola victime de son succès

Le soda possède la singularité de pouvoir être servi à la pression dans des verres de 0,5 litre, à la façon des fameuses bières tchèques. Il est autorisé de produire du soda semblable au Kofola et d’en proposer dans les «hospoda» (brasseries), mais il est illégal de se servir du nom de la marque; c’est pourtant parfois le cas. «De grands distributeurs me proposent sans aucun scrupule du faux Kofola. La seule condition est d’en commander tout un camion», a confié un restaurateur tchèque à l'hebdomadaire Tyden.

Le faux Kofola est fourni dans des fûts à bière à moitié-prix comparé à celui de la vraie boisson. «Nous avons perdu des dizaines de millions de couronnes par an [10 millions de couronnes représentent presque 400.000 euros], ce qui nous a obligés à prendre des mesures», confirme Martin Klofanda. La société a donc signalé ces utilisations frauduleuses aux instances étatiques[5].

Futur acteur européen de la boisson?

Le Kofola nourrit des ambitions internationales mais reste pour l’instant, en dehors de quelques exportations en Slovénie et en Croatie, une boisson à dimension régionale. Ses bonnes performances sur les marchés d’Europe centrale laissent présager des possibilités d’ouverture et de conquête plus importantes.

Ce «Coca-Cola tchécoslovaque» allie modernité et tradition, ce qui lui confère une image généralement appréciée des consommateurs locaux et des étrangers qui le découvrent. Mais parviendra-t-il à séduire et à être compétitif sur des marchés plus éloignés géographiquement et culturellement?

[1] Voir le site www.kofola.cz. Le Kofola est issu d’un mélange de 14 ingrédients naturels, tels que le caramel ou bien la pomme. Sa composition précise reste cependant secrète. Le Kofola contient un tiers de sucre en moins que les sodas traditionnels. Et moitié moins de caféine. C’est la boisson la plus connue parmi celles commercialisées par la société Kofola.
[2] Ce groupe a été créé en 1991 à l’initiative de Vaclav Havel, alors président de la Tchécoslovaquie, pour faciliter l’intégration européenne des pays d’Europe centrale. Il rassemble environ 63 millions d’habitants.
[3] Voir www.kofola.cz. Le Kofola a été primé lors du «Gold Effie 2006» et du «Ggold Ducat 2006». En 2007, le magazine Business Week a classé Kofola à la 174e place parmi les 500 entreprises européennes les plus prestigieuses.
[4] Le festival Mezi ploty se tient dans le jardin de l’hôpital psychiatrique de Bohnice. Les malades assistent aux festivités et participent à l’événement en vendant des produits artisanaux, en jouant de la musique ou en animant des jeux. Pour des raisons de sécurité, la vente d’alcool est interdite dans l’enceinte du festival.
[5] Pour limiter ces abus, la société incite sur son site les consommateurs de Kofola à lui signaler tout achat de boisson de qualité douteuse. Cela lui permet de dévoiler les vendeurs de plagiats.

Photo : Antoine Andrieu


Sarkozy, les Tchèques, Merkel et les Arabes : le document intégral

Lors de la rencontre avec Topolanek, le Président aurait évoqué en des termes peu amènes ses homologues arabes et allemande.

Rencontre entre Sarkozy et Topolanek à Paris le 31 octobre 2008 (John Schults/Reuters).

Vous avez été très nombreux à réagir à la publication, mercredi sur Rue89, d'un article concernant une discussion qui aurait eu lieu entre Nicolas Sarkozy et le Premier ministre Mirek Topolanek, à Paris, le 31 octobre dernier.

A en croire le transcript émanant de source diplomatique tchèque et publié dans le magazine tchèque Reflex, le Président français aurait parlé en des termes fort peu amènes de ses homologues arabes et allemande lors d'une discussion sur le lancement de son projet d'Union pour la Méditerranée.

Face à la polémique suscitée sur Rue89, nous avons décidé de faire traduire l'intégralité du document publié par Reflex et dont les propos rapportés sont contestés, de source officielle, aussi bien à Prague qu'à Paris. Prague reconnait pourtant que la note provient de ses services, mais parle « d'erreur ».

Ce document est donc à prendre avec prudence. C'est une traduction, en français, d'un document de travail rédigé en tchèque d'après des notes. Il va de soi que la discussion ne s'est pas déroulée exactement ainsi. Mais il donne une bonne idée, nous semble-t-il, de la façon dont se déroulent de tels déjeuners diplomatiques.

Sont présents, pour la France : Nicolas Sarkozy, Bernard Kouchner, Charles Fries, Henri Guaino, Jean-David Levitte, Fabien Reynaud.

Pour la République tchèque : Mirek Topolanek, Alexandr Vondra, Pavel Fisher, Marek Mora, Adela Kadlecova, Jana Bartosova

Sarkozy : Il faut regarder l'agenda sensible entre les deux pays qui président l'Union Européenne. Le sommet de Washington sera extrêmement difficile. Il a fallu sauver la Hongrie. Il faudra aussi peut-être aider les Etats baltes. Je ne suis pas enchanté non plus par la situation en Pologne.

Quelle est la situation en République tchèque ? Où en êtes-vous ? Moi-même j'ai vécu beaucoup de problèmes politiques, j'en sais quelque chose. Gordon Brown et moi sommes parvenus à remonter à la surface. Le leader politique doit savoir s'imposer.
Et Mirek Topolanek détient une carte importante entre ses mains : ses amis au sein de l'Union européenne.

Topolanek : D'autres gouvernements de l'UE ont connu la défaite aux régionales (le parti libéral de Topolanek a subi un lourd revers électoral mi-ocotbre). Cela a provoqué des tensions au sein de notre parti. Mais rien de grave ne va se produire : nous avons conclu un accord avec le leader de l'opposition pour la période de la présidence européenne.

Des pressions externes au sujet de la ratification du traité de Lisbonne ne vont rien résoudre. Elles ne font qu'aggraver la situation avant le congrès de l'ODS. Nous sommes préparés. Mais les déclarations dans la presse française disant que la Tchéquie ne maîtrisera pas la présidence de l'UE ne m'ont pas beaucoup aidé.

Sarkozy : Tous les pays qui sont amenés à présider font l'objet d'attaques de la part de la presse française.

Topolanek : Nous avons les moyens logistiques et organisationnels. Il est difficile pour nous d'accepter de ne pas avoir fait partie de la délégation qui est allée négocier à Moscou lors de la crise Géorgienne.

L'Eurogroupe (réunissant les pays qui ont adopté l'Euro) peut apporter de solutions, mais il doit s'agir de solutions pour les 27 pays de l'UE. C'est pour cela que nous voulons, pour la République tchèque, un statut d'observateur. L'époque est trop difficile pour que l'on ne s'intéresse pas aux remèdes à apporter.

Sarkozy : Je vous remercie de parler si ouvertement des sujets qui sont désagréables. Je ne veux pas donner de conseil en matière de la politique intérieure : toutefois j'ai obtenu aux élections une victoire de 53%. Mais 55% des français ont voté contre le projet de Constitution européenne. L'eurosceptiscisme français est semblable à celui de la Tchéquie.

Topolanek : Non, la République tchèque n'est pas euro sceptique (selon le dernier sondage de l'agence STEM, 55% des Tchèques sont contre la ratification du traité de Lisbonne).

Sarkozy : Tout le monde m'a conseillé d'organiser un nouveau référendum sur l'UE. J'ai refusé. Et je me suis exprimé en faveur de l'UE. Cela m'a mené à la victoire. Je me suis rendu compte que si je tenais un discours contraire, alors on perdrait toutes les forces pro-européennes et que l'on ne convaincrait pas les anti-européens en employant un discours prudent au sujet des affaires européennes. La République tchèque a besoin aussi d'un homme d'Etat qui ne va pas l'isoler.

Topolanek : Chez nous, c'est différent, les électeurs de l'ODS sont à 85% pour Lisbonne. Et je suis prêt à m'exprimer devant le congrès du parti sur la question de la ratification. Nous n'avons pas le temps de soumettre le traité à ratification avant la fin de l'année. Je l'envisage plutôt lors du premier trimestre 2009. Je ne vois pas de risque, même si je devrai faire face à une opposition au sein du parti…

Je suis heureux que l'UE ait trouvé un consensus sur la résolution de la crise financière. Il faut que l'on soit attentif aux règles : la situation n'est pas simple dans beaucoup de pays. La Hongrie serait morte sans cela.

Sarkozy : Exactement, c'est grâce à l'UE. Le FMI a cherché 22 milliards et moi j'ai dû trouver dans le budget 7 milliards. En Hongrie, ils n'ont pas été capables de payer, ils s'effondraient, c'était urgent. De même, l'Ukraine était dans une nécessité totale.

Topolanek : La République tchèque n'est pas touchée autant que les autres, même si nous attendons un ralentissement de l'économie et une augmentation du chômage. Dans l'industrie, nous allons licencier. Pour cette raison, nous allons soutenir la mesure prise par l'UE…

La situation est très contrastée et nous devons commencer à satisfaire les critères de Maastricht. En tant que pays président de l'UE, nous devrions donc être observateur dans l'Eurogroupe.
Je voudrais aussi poliment demander si l'un d'entre nous pourrait faire parti de la délégation française au sommet du G20, dont nous ne faisons pas parti.

Sarkozy : Je souhaite de tout mon cœur votre réussite dans votre combat de politique intérieure. Moi-même, je suis originaire de l'Europe de l'Est et j'ai beaucoup de respect pour cette région. Je ne supporte pas le comportement caricatural de certains hommes politiques locaux. Vous avez besoin de soutien pour la présidence de l'Europe, nous sommes prêts : pas seulement par des mots mais par des actes.

En ce qui concerne le G20, je suis d'accord –je prends le ministre des Finances tchèques avec moi. Je l'annoncerai publiquement avec plaisir, les accords secrets ne fonctionnent pas. Vous me connaissez –je suis dur, mais je tiens mes engagements. On va l'annoncer ensemble.

Concernant l'Eurogroupe je ne vais rien introduire de systématique. Mais il y a tellement de problèmes communs que je suis prêt à inviter la République tchèque en tant que pays président de l'UE.

Au sujet du paquet énergie-climat, nous pouvons obtenir une ouverture plus grande de la Commission européenne. Je suis prêt à prendre en considération les problèmes de la Pologne, de la Hongrie et de la République tchèque.

Topolanek : Qu'en est-il de l'Italie et de sa position au sujet de ce paquet énergie-climat ?

Sarkozy : Les Italiens, c'est une autre affaire. Silvio dit toujours non, mais à la fin il va dire oui. Il ne va jamais descendre du train de l'UE. Nous pouvons dire : « Nous avons parlé du climat et de l'énergie. » Et je vais vous aider : on dira qu'en République tchèque, les factures énergétiques ne vont pas augmenter. Avec la Pologne, nous allons trouver un accord pour que vous ne soyez pas obligé de traiter ce problème pendant votre présidence européenne. Je vais aussi rappeler le rôle que la République tchèque a joué lors de la recherche du compromis.

Topolanek : OK, j'ai facilité le compromis, nous avons une très bonne politique énergétique et de l'électricité bon marché. Le problème chez nous est que nous voulons construire de nouvelles centrales électriques et que le démarrage de ces ventes d'émission aux enchères aura un effet négatif pour ce développement. Nous voulons faire le compromis aujourd'hui, sinon tout va être retardé de deux ans.

(Le premier ministre Mirek Topolanek veut faire aboutir l'accord sur le paquet énergie-climat au mois de Décembre 2008 pour que ce problème ne commence pas à être traité sous la présidence tchèque. Il craint que la négociation ouverte puisse susciter les animosités des entrepreneurs tchèques, des tensions au sein du parti gouvernemental ODS et le conflit avec le partenaire de coalition Martin Bursik , qui est le promoteur principal du paquet énergie-climat).

Sarkozy : O.K. Nous avons la volonté politique de céder, en République tchèque, cela va être perçu comme une victoire. Et je comprends que tu aies besoin que la présidence française incite la Commission Européenne à une plus grande ouverture.

Concernant la problématique de l'Europe de l'Est : nous soutenons la République dans son ambition. Nous avons entrepris l'initiative méditerranéenne, cela me ferait plaisir d'aider à l'est. (En réaction à l'Union pour la Méditerranée de Sarkozy, l'initiative politique qui s'appelle le « partenariat de l'Est » a vu le jour à l'automne 2008 sous l'impulsion des Polonais et Suédois. La République tchèque a rejoint cette initiative.)

Topolanek :
Construire quelque chose à l'Est est un mot bien fort pour moi, nous voulons plutôt ouvrir la discussion au sein de l'UE.

Sarkozy : Oui. Mais si tu veux lancer cela tu as besoin de l'unanimité des 27 pays membres de l'UE. Nous allons vous soutenir. Comme vous l'avez fait avec nous pour l'Union pour la Méditerranée.

(L'union pour la méditerranée a vu le jour au mois de juillet 2008 lors de la présidence française de l'UE. L'objectif est la coopération avec les anciennes colonies des puissances européennes, principalement en Afrique du Nord.)

Topolanek : Si un sommet au sujet de cette initiative à l'Est devait voir le jour, alors il faut que toi et Angela Merkel soyez présents.

Sarkozy : Je suis d'accord, je le dirai et je viendrai. Tu as un soutien total. Il n'est pas possible que s'il y ait un projet au sujet de l'Europe de l'Est, ce soit sous la présidence de l'Irlande ou du Portugal. Leur participation est autre chose. Mais il faut que quelqu'un d'autre préside.

Dernier sujet extrêmement difficile : l'Union pour la Méditerranée. C'est effroyable. J'ai eu l'occasion de voyager dans cette zone plusieurs fois. Mon idée est que l'Egypte et la France soient à la tête, et que l'UE copréside. Trouvons le chemin qui nous sortira du non-compromis européen au sujet de l'Union pour la Méditerranée. Par ailleurs, négocier avec les Arabes n'est pas du tout facile. Il n'est pas possible que la Méditerranée soit présidée par les Suédois.

(L'Union pour la Méditerranée aurait dû être présidée par la France en tant que présidente de l'UE jusqu'à la fin de l'année, Sarkozy veut maintenant que la France préside avec l'Egypte et que la République tchèque soutienne la France. En échange, Sarkozy veut laisser toute la charge des questions sur l'Europe de l'Est à la République tchèque.)

Topolanek : Ce n'est pas une nouvelle, on en parle depuis un certains temps. Je ne vais pas dire que je suis complètement contre, mais je vois deux problèmes : ce serait une exception à la règle européenne et cela constitue un précédent. Si nous ouvrons le débat sur la dimension orientale, alors je parle pour un pays relativement plus petit que la France.

Sarkozy : Merci, je suis heureux que nous parlions franchement et clairement. La présidence pour l'Union de la Méditerranée n'est pas un cadeau. Cela me ferait plaisir de te la laisser, ce serait du travail. Courage à toi ! Tu n'as pas idée de ce que c'est que de traiter avec le Liban, l'Egypte et l'Algérie. Des centaines d'heures. C'est affreux. Le seul problème -je ne veux pas que vous vous sentiez frustrés.

J'ai porté l'Union pour la Méditerranée. L'Egypte devrait présider deux ans et le Nord devrait avoir deux présidences différentes : l'UE et l'Union pour la Méditerranée. La France est à tes côtés, pour que cela fonctionne, nous sommes obligés de continuer.
Et l'Europe de l'Est ? Faites ce que vous voulez.

Un dernier point : je veux présenter l'Union pour la Méditerranée comme un accord entre la République tchèque et la France. Nous construisons une alliance -et tu auras un problème de moins-, comment faire face aux querelles des leaders de la Méditerranée, tu pourras te concentrer sur la situation politique chez toi. Je veux une entente. Cela va te rendre plus fort en République tchèque. Et me facilitera la vie.

Topolanek : Je comprends pourquoi tu dis cela. L'Union pour la Méditerranée est ton enfant, tu l'as chérie. Et sans la nourriture française, ce bébé ne survivrait pas. Nous voulons une position conciliante. Je crains seulement que cela ne devienne un précédent. Et je suis prêt à le résoudre avec les autres.

Sarkozy : Et tu en sortiras plus fort. Tu sais ce que c'est qu'être seul contre tous les Arabes ? Les avoir au téléphone ? Ils sont horribles, je te jure.

Topolanek : Tu as cette expérience. Mais nous l'avons avec l'Est.

Sarkozy : J'ai déjà acquis pas mal de choses. Mais au moins ils sont moins nombreux là bas. Mais au Sud ? Le président Algérien Boutefika, le Tunisien, le roi du Maroc, la Libye, Israel. Un travail fou !

Topolanek : O.K., je n'ai pas de problème avec cela. Mais je souhaite que les autres pays de l'UE soit d'accord, je crains qu'il y ait un précédent.

Vondra : (le vice-premier ministre Alexandr Vondra) Bien -nous allons aider la France pour qu'elle nourrisse son bébé méditerranéen. Et qui va nourrir l'enfant de l'Est ? L'Allemagne, la Suède ou la Pologne ?

Sarkozy : Cela sera la République tchèque. Puisque vous pouvez compter avec le soutien de la France. Faisons un accord. Tu resteras le chef de l'Europe de l'Est. Tu as besoin de moi. Je reste en place, je ne pars pas. Tu penses sérieusement que je préfère Angela ? Je t'aiderai au début. A la fin de la présidence tchèque, je ferai en sorte que vous ayez la même influence que la France aura dans l'Union pour la Méditerranée.

Topolanek : Alors je compte sur le soutien de la France lors du sommet sur l'Europe de l'Est au printemps.

Sarkozy : Combats maintenant à mes côtés et je combattrais à tes côtés. Plus on va investir l'un pour l'autre, mieux ce sera.

Levitte : Jean-David Levitte, conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy
Et la République tchèque restera le pays président (de l'Europe de l'Est) jusqu'à la présidence hongroise. (La présidence hongroise de l'UE commence en janvier 2011).

Topolanek : Encore un détail. Tu vas aux Etats-Unis. Il faut préparer la rencontre entre le nouveau président américain et les 27 pays européens. Tu pourras l'inviter à venir en République tchèque pour ce sommet ?

Sarkozy : J'ai un secret. Si Obama est élu, nous avons fixé un repas ensemble le 15 novembre, je lui en parlerai. Bon, je dirai devant la presse :

  1. Eurogroupe. La présidence tchèque sera présente pendant le premier semestre 2009.
  2. J'invite au nom de l'Europe le ministre des finances de la République tchèque à joindre la délégation française au G20. Nous voulons de la continuité.
  3. Je soutiens la création de l'Union Orientale et je soutiens la présidence tchèque pour deux ans dans cette Union, de même que je demande aujourd'hui la présidence de la France dans l'Union pour la Méditerranée.
  4. Sommet UE 27 / Etats-Unis. Nous allons inviter le nouveau président en République tchèque.
  5. L'Union pour la Méditerranée. La République tchèque va soutenir la France pour deux ans et moi je veux convaincre les autres pays membres de l'UE pour qu'ils se mettent d'accord.
  6. Le paquet climat-énergie : je ferai en sorte que la République tchèque ait une influence sur le compromis pour tous les accords avec la Pologne.

Topolanek : Maintenant nous devons nous mettre d'accord sur le compromis de l'Union pour la Méditerranée, principalement avec les Suèdois…

Sarkozy : Je ne suis pas fou. Bien sûr. Autrement, tout le monde serait mécontent et me jetterait le projet à la figure. Je confirmerai par écrit ce soir. Et devant la presse : nous avons beaucoup parlé de la présidence française et tchèque et nous nous sommes mis d'accord sur tout. La République tchèque nous a demandé de présider l'Union pour la Méditerranée avec l'Egypte.

Vondra : Est-ce que l'on va avoir une place dans cela ?

Sarkozy : Bien sûr. (Debout il dessine sur un papier.) Il y aura une présidence européenne, par conséquent la République tchèque. Et puis, Sud et Nord.

Topolanek : J'ai une dernière petite chose a demander, ou alors peut-être une autre fois : la connexion des raffineries Litvinov et Leuna. (Il s'agit d'un intérêt stratégique de la République tchèque, la connexion diminuerait le risque de chantage pétrolier de la part de la Russie.)

Sarkozy : (sur le départ) Envoie moi ton sherpa (Sherpa est dans le jargon une personne investie d'une mission politique particulière dans le domaine de la diplomatie européenne.).

Merci à Antoine Andrieu et Mirek Pospisil pour la traduction

Photo : Rencontre entre Sarkozy et Topolanek à l'Elysée le 31 octobre 2008 (John Schults/Reuters).







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